Une équipe française du Laboratoire physique pour la médecine de Paris affilié à l'Institut national pour la science et la recherche médicale (Inserm), ainsi qu’à l’ESPCI Paris-PSL et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), vient de réaliser la première étude expérimentale chez l'Humain avec une technique d'imagerie médicale novatrice qui permet de visualiser la dynamique du flux sanguin cérébral à l'échelle microscopique.
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C'est une révolution dans le domaine de l'imagerie médicale. L'équipe française du Laboratoire physiquephysique pour la médecine de Paris vient de tester chez l'Homme un dispositif permettant de visualiser la microcirculation sanguine dans le cerveau. Grâce à cette technologie, on peut observer le flux sanguin dans les vaisseaux du cerveau, sa vitesse d'écoulement et sa direction. Ils publient leur étude dans la revue Nature Biomedical Engineering. Charlie Demené, maître de conférencesmaître de conférences à l'ESPCI Paris-PSL et chercheur au Laboratoire physique pour la médecine de Paris, auteur principal de l'étude, a répondu aux questions de Futura.
Un empilement de plusieurs « briques » scientifiques
Lorsque l'on lit attentivement l'article scientifique, on se rend compte que les premières études utilisant la technologie mobilisée par les chercheurs dans leur étude utilisent et combinent plusieurs avancées réalisées dans le domaine des ultrasonsultrasons ces dix dernières années. En particulier, l'imagerie ultrarapide pour visualiser les petits flux sanguins en 2011 et la microscopie de localisation ultrasonore en 2015, dont les premiers tests ont été réalisés chez l'animal. Les briques conceptuelles et technologiques étaient donc présentes pour une telle expérimentation. Mais encore fallait-il avoir l'idée de les réassembler et de surmonter quelques problèmes. « Notre étude se base sur plusieurs développements conceptuels et techniques récents développés au sein du laboratoire et de la communauté scientifique travaillant sur l'imagerie ultrasonore. Depuis le départ, l'objectif visé, c'est d'imager la vascularisation cérébrale à une toute petite échelle. C'est ce que nous faisons dans notre étude grâce à une technique d'imagerie ultrarapide ultrasonore qui permet d'obtenir des milliers d'images par seconde », détaille Charlie Demené.
Parvenir à cette prouesse n'a toutefois pas été simple. Chez l'humain, l'os crânien est un problème de taille qui vient entraver l'imagerie ultrasonore. « L'os est une structure qui absorbe et modifie la propagation des ultrasons. Si l'on envoie un faisceau ultrasonore à travers le crâne, il subit des distorsions et la reconstruction de l'image devient impossible étant donné qu'on se base sur l'écho que produit l'ultrason pour reconstruire les images des tissus biologiques », explique le physicienphysicien. C'est là qu'intervient la découverte du prix Nobel de ChimieChimie 2014 - Eric Betzig - dont Charlie Demené et ses collègues se sont servis pour mettre au point leur technique : « Eric Betzig et ses collègues ont mis au point une méthode de microscopie à fluorescence. Il faut imaginer une diffusiondiffusion fluorescente sur un microscopemicroscope qui fait une tache de couleurcouleur lorsqu'on regarde. Si l'on sait qu'il n'y a qu'un seul objet fluorescent, on en déduit qu'il est au centre de la tache. Dès lors, on peut obtenir des informations spatiales cruciales pour la reconstruction d'images. »
À l'aide de microbulles gazeuses fluorescentes d'un diamètre de deux micronsmicrons enveloppées dans une bicouche lipidique spécialement conçue pour la pratique clinique, l'équipe française va réussir à surmonter le problème que représente l'ossature crânienne. « Les microbulles vont se propager dans la vascularisation et se répandre de façon à être plus ou moins isolées. Lorsqu'elles réfléchissent les ultrasons, elles génèrent une onde sphérique qui repasse à travers le crâne et permet de mesurer précisément la distorsion induite par l'os, afin de la corriger. De plus, même si à l'image la microbulle apparaît comme une tache floue, si elle est isolée on peut supposer que la microbulle se trouve au centre de la tache floue, et la localiser avec une grande précision, d'où le nom de microscopie de localisation ultrasonore. De cette façon, on améliore considérablement la résolutionrésolution d'une image avec une bien meilleure définition qu'avec une échographie classique. On peut donc reconstruire des images très précises du flux sanguin dans de très petits vaisseaux », assure Charlie Demené.
Une révolution épistémique, clinique et sociale
Cette expérience va, sans aucun doute, permettre beaucoup de choses. Dans un premier temps, elle va pouvoir affiner nos connaissances. « Les données que nous pouvons récolter à l'aide de cette technique d'imagerie sur le profil d'écoulement sanguin peuvent servir de données d'entrée à des modèles de mécanique des fluides appliqués au système vasculaire », suggère Charlie Demené. Autrement dit, il sera possible de tester empiriquement des prédictions théoriques à propos de la circulation sanguine à des échelles infimes.
Dans un deuxième temps, c'est la clinique qui va profiter de ce progrès majeur. « Nous pouvons visualiser les échanges sanguins dans les plus petits compartiments vasculaires, avec une excellente résolution temporelle, en dessous du cycle cardiaque. Par exemple, nous allons pouvoir mieux surveiller les anévrismes et rechercher des facteurs de risque inhérents à la dynamique de la circulation sanguine dans la préventionprévention et le traitement de cette pathologiepathologie », s'enthousiasme Charlie Demené.
Dans un troisième temps, cette technique pourra bouleverser l'accès aux examens d'imagerie médicale. Et Charlie Demené est optimiste quant à son arrivée prochaine dans nos centres d'imagerie : « Les premières preuves de concepts pour l'utilisation de notre technique sont publiées depuis 2015. Aujourd'hui, seulement six ans plus tard, nous en sommes aux premières preuves chez l'Homme. Les ingrédients sont là, il suffit que les industriels s'emparent de la technique et financent des essais cliniquesessais cliniques. Cela pourrait vraiment changer les choses en imagerie vasculaire cérébrale mais aussi pour les autres organes. Un échographe est beaucoup moins cher qu'un appareil d'imagerie par résonance magnétiqueimagerie par résonance magnétique et mobilise moins de personnel hospitalier. Je ne serai pas surpris que l'on puisse voir la technique à l'œuvre dans un contexte clinique d'ici quelques années. »
Les flux sanguins dans le cerveau comme vous ne les avez jamais vus. © Inserm
Rien n'est possible sans la recherche fondamentale
Toute cette histoire nous montre deux choses : il est encore possible d'avoir une recherche à très haut niveau en France lorsqu'elle est supportée d'un point de vue financier. « Il faut y croire, la France peut et doit continuer à avoir un rôle de leader dans de nombreux domaines scientifiques. Mais pour cela il faut qu'elle soit soutenue financièrement et donc plébiscitée par la société dans son ensemble, ajoute Charlie Demené. Pour cela, c'est aussi à nous, scientifiques, de communiquer, d'expliquer ce que l'on fait et d'essayer de faire rêver les gens. »
Enfin, cela souligne encore une fois le rôle essentiel de la recherche fondamentale. « Sans des recherches fondamentales en physique des ondes, des projets plus appliqués, comme le nôtre, ne verraient peut-être pas le jour. La recherche fondamentale est essentielle dans l'aboutissement et la mise au point de technologies révolutionnaires », conclut Charlie Demené. Pour s'en convaincre, on pourra se souvenir d'un exemple récent : l'obtention du dernier prix Nobel de chimie en date par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna pour leur découverte des ciseaux génétiques, dont tout le développement commence par une découverte chez la bactériebactérie Escherichia coliEscherichia coli.