Depuis l'automne, les habitants du Nord-Pas-de-Calais sont confrontés à une situation inédite. Après les inondations historiques de début novembre 2023, de nouvelles crues majeures se sont produites au début de l'année 2024. Plusieurs centaines de communes sont touchées, les sols sont saturés d'eau et l'inquiétude est immense concernant le reste de l'hiver ainsi que le printemps. Les habitants sinistrés sont-ils condamnés à être des réfugiés climatiques ?
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Les sinistrés du Pas-de-Calais vont-ils devenir des exilés climatiques ? Nous avons posé la question à Emma Haziza, hydrologue, présidente et fondatrice de Mayane. Cette structure, dédiée au développement de solutions face au risque, accompagne les populations concernées et vise à lutter contre les effets du réchauffement climatique et ses conséquences territoriales. « Ce territoire n'est pas voué à être condamné. Les habitants du Nord-Pas-de-Calais ne deviendront pas des exilés climatiques, ils vont devoir apprendre à vivre avec le risque sur de courtes périodes, un peu comme avec la mousson dans d'autres pays. L'histoire de France montre à quel point le risque inondation s'est produit un peu partout, et dans les années qui viendront ce seront peut-être d'autres zones qui seront touchées. Il arrive que ces inondations se répètent en série au même endroit à cause de conditions météorologiques spécifiques. Une bascule s'est produite mi-octobre en France, avec des pluies hors normes, et le sol s'est saturé d'eau : cela a rendu le territoire très vulnérable. Mais ce contexte est propre à 2023, cela ne veut pas forcément dire que la même situation se produira en 2024. Nous sommes actuellement dans une situation El Niño, qui croise le réchauffement planétaire. La température de l'océan Atlantique Nord est anormale, avec pour conséquence une plus grande quantité de vapeur d'eau, donc de plus fortes précipitations. C'est un cumul d'éléments variés et hors normes qui fait que cette zone est particulièrement touchée dans un temps très limité. Les habitants du Nord-Pas-de-Calais ne sont donc pas des réfugiés climatiques sur le long terme. »
Au lieu de tout quitter, il faut travailler sur la réduction de la vulnérabilité
Mais si ce cumul de facteurs météorologiques et climatiques venait à se reproduire, que faudrait-il changer pour éviter que la situation catastrophique actuelle soit à nouveau d'actualité au même endroit ? « Tous les grands événements comme la catastrophe de Vaison-la-Romaine, ou encore la tempête Xynthia, montrent qu'on ne peut pas lutter contre le risque inondation. Donc on travaille maintenant sur la réduction de la vulnérabilité des biens et des personnes », précise l'hydrologue.
Un constat confirmé par Céline Perherin, directrice de projets risques naturels et territoires au Cerema, un organisme public qui accompagne les collectivités dans leurs aménagements et leurs transports : « l'objectif n'est pas de déserter ces territoires, mais de s'adapter. Il faut réduire les dommages pour mieux s'adapter, avec un ensemble de recommandations au niveau des habitations mais aussi une meilleure infirmation. La commune doit diffuser les informations pour que chaque personne concernée puisse être en capacité de savoir quoi faire ».
Les habitants à risque n'ont pas assez connaissance des solutions
Le problème principal, insiste l'hydrologue Emma Haziza, en plus de la météométéo, c'est bien la méconnaissance du grand public sur leurs droits en matièrematière d'indemnisation. « Les travaux pour réduire l'exposition au risque peuvent être pris en charge à hauteur de 80 %, voire 100 % pour certaines communes. Cette aide de l'État est très peu connue alors qu'elle devrait être utilisée par tous. Les crues de ces zones sont lentes, donc contrôlables. Ce sont des biens qui sont facilement protégeables. »
Alors concrètement, comment faire ? « La première chose à faire, c'est de placer des clapets anti-retour, car les sinistrés sont souvent inondés par leurs toilettes, l'eau remonte par refoulement. Un clapet anti-retour coûte 15 euros et peut éviter 10 000 euros de travaux ! Ensuite, il y a les batardeaux : ce sont des barrières occultantes positionnées sur les portesportes, fenêtresfenêtres, et parkings. Ils mesurent jusqu'à 60 cm de hauteur, et c'est la méthode la plus efficace. Quand on pense qu'on voit encore des sacs de sable alors qu'on a beaucoup mieux... Mais il faut un accompagnement humain pour savoir comment les installer. On peut aussi travailler sur les matériaux des sols, des mursmurs, et des plafonds qui sont hydrophobeshydrophobes, des solutions toujours prises en charge par l'État », explique l'hydrologue Emma Haziza.
Et chacun devrait se préparer selon la scientifique, pas seulement les habitants des zones inondables... « Une partie des personnes sinistrées ces dernières années l'ont été en dehors des zones inondables, à cause du ruissellement, donc il va falloir apprendre à vivre avec le risque en dehors des zones inondables. »